Vérité ou mensonge
J'ai trouvé ce texte de George Sand sur l'existence du Père Noël qui, semble-t-il, faisait déjà débat, à l'époque.
Bien qu'anti traditionnaliste, je ne suis pas contre le fait de laisser rêver les enfants (tout petits, à leur majorité, il est temps de dire la vérité)…
J’ai moi-même de très beaux souvenirs de Noël, je ne me suis pas donné le droit d’en priver mon fils.
D’autres choses autour de cette fête m’exaspèrent mais la question n’est pas là...
image empruntée à abcfunny
Ce que je me rappelle parfaitement, c'est la croyance absolue que j'avais à la descente par le tuyau de la cheminée du petit père Noël, bon vieillard à barbe blanche qui, à l'heure de minuit, devait venir déposer dans mon petit soulier un cadeau que j'y trouverais à mon réveil. Minuit ! Cette heure fantastique que les enfants ne connaissent point et qu'on leur montre comme le terme impossible de leur veillée ! Quels efforts incroyables je faisais pour ne pas m'endormir avant l'apparition du petit vieux ! J'avais à la fois grande envie et grand’ peur de le voir ; mais jamais je ne pouvais me tenir éveillée jusque-là et, le lendemain, mon premier regard était pour mon soulier au bord de l'âtre. Quelle émotion me causait l'enveloppe de papier blanc ! Car le père Noël était d'une propreté extrême et ne manquait jamais d'empaqueter soigneusement son offrande. Je courais, pieds nus, m'emparer de mon trésor. Ce n'était jamais un don bien magnifique, car nous n'étions pas riches. C'était un petit gâteau, une orange ou, tout simplement, une belle pomme rouge. Mais cela me semblait si précieux que j'osais à peine le manger. L'imagination jouait encore là son rôle et c'est toute la vie de l'enfant.
Je n'approuve pas du tout Rousseau de vouloir supprimer le merveilleux sous prétexte de mensonge. La raison et l'incrédulité viennent bien assez vite et d'elles-mêmes ; je me rappelle fort bien la première année où le doute m'est venu sur l'existence réelle du père Noël. J'avais cinq ou six ans et il me sembla que ce devait être ma mère qui mettait le gâteau dans mon soulier. Aussi me parut-il moins beau et moins bon que les autres fois et j'éprouvais une sorte de regret de ne pouvoir plus croire au petit homme à barbe blanche. J'ai vu mon fils y croire plus longtemps ; les garçons sont plus simples que les petites filles. Comme moi, il faisait de grands efforts pour veiller jusqu'à minuit. Comme moi, il n'y réussissait point et comme moi, il trouvait au jour le gâteau merveilleux pétri dans les cuisines du paradis. Mais pour lui aussi la première année où il douta fut la dernière de la visite du bonhomme. Il faut servir aux enfants les mets qui conviennent à leur âge et ne rien devancer. Tant qu'ils ont besoin de merveilleux, il faut leur en donner. Quand ils commencent à s'en dégoûter, il faut bien se garder de prolonger l'erreur et d'entraver le progrès naturel de leur raison.
George Sand L'Histoire de ma vie